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And So Forth...
2 février 2014

Ca se nomme Poésie, Madame...

Je suis atteinte d'une affection chronique et incurable. Et elle est tellement ancrée en moi qu'en essayant de l'enlever au pied de biche, on risquerait de m'arracher l'âme de l'enveloppe charnelle. Et puis, même si elle est douloureuse et encombrante parfois, je ne la céderais pour rien au monde. C'est connu, on ne choisit jamais son symptôme au hasard. Ou plutôt « il ne nous choisit pas »...

J'écris. Même si je n'ai pas le temps. Même si j'ai une flemme insoutenable de sortir de mes multiples couvertures pour me frotter au froid du matin et de mon papier. J'écris. Les mots se présentent et l'on se doit de les accueillir avec les honneurs. On ne reste pas couchée, même fatiguée, devant un marin qui rentre au foyer. On se tient droite, souriante, on cache son peu de sommeil et on l'aime. Les mots veulent jaillir et c'est un devoir de leurs présenter le support adéquat. On ne demande pas au Soleil si il est d'accord, aujourd'hui, pour se lever. Il y a des choses qui ne font que suivre l'ordre établit. Point.

J'écris quand je suis triste. Ou pas. Quand j'ai peur, quand je veux crier. J'écris quand la nuit tombe et que le jour se lève. Parce que je trouve ca beau, parce que je suis égoïste. J'écris parce que je t'aime et que lever les yeux vers toi m'est insupportable. J'écris parce que je trouve ca beau chez les autres, mais que chez moi c'est difficile à gérer. Parce que, c'est terrible cette habitude de prendre un sac et de fuir loin, quand c'est profond. J'écris pour qu'il reste une preuve, une trace, de ce qu'il y a dans mon cœur ; parce que, pauvre de toi, je te fuirai la tête dans les étoiles. Je pousserai cette porte mentale où tu ne pourras pas me suivre. J'écris parce qu'il m'est plus facile de tomber d'une falaise que de tomber amoureuse. Parce que je ne crois pas en mon existence physique qui ne craint rien. Parce que j'ai la certitude que mon esprit, lui, est bien là... Et que tu pourrais peut-être l'atteindre. Comme mon cœur. Ces deux siamois. Et que ca risquerait d'être joli comme les lever de soleil violet que j'aime tant. Et moi, les lever de soleil violet, ca me fait tanguer. Ca me détache des petits bouts d'âme qui me disperse dans l'Univers. Ca risquerait de voler en éclats, brusquement, comme un feu d'artifice. Ca serait trop beau. Et le Beau me terrorise : j'en connais trop le risque de m'y perdre, lui si vaste, avec mon piètre sens de l'orientation... C'est comme avoir 4 ans au bord de l'Océan. C'est magnifique. C'est envoûtant. Ca nous appelle jusqu'à effleurer l'eau propulsée. On y risque la noyade...

Je me vois naître au Monde et choisir mon père : Eros ou Thanatos ? Les deux terribles... Je vois la foule s'avancer, radieuse et compacte, vers le premier. Je suis agoraphobe. Les filles prennent des couleurs au fur et à mesure qu'elles s'approchent de ce grand blond au costard blanc et parfait. Ce font-elles envoûter ? Perdent-elles pied ? Je déteste perdre le contrôle. Je me méfie de la perfection. Elle m'ennuie. Elle endort l'esprit. J'aime le passionnel et l'improbable. Peux-tu me proposer cela ? Et je vois ce ténébreux personnage assis sur son rocher, pensant, dans ses vêtements noirs qui empestent le tabac.

« - Pourquoi es-tu mélancolique ?

- Qu'est-ce qui m'inciterait à ne pas l'être ? »

J'ai toujours eu trop d'empathie et je m’assoupis, bercée par ses pensées. Ce type, du coup, là-bas, en blanc, il m'a toujours semblé vachement dangereux. Je peux sauter à cloche-pied entre la Vie et la Mort, sans crainte de tomber. J'ai accepté l'idée que l'on y perdra tous. Et ce n'est pas si grave. C'est quelque chose de tellement commun, de rassurant. Pourquoi avoir peur de ce qui nous attend tous ? Ce n'est ni dramatique, ni malsain, au contraire. Le rejeter le serait plus. Mais par contre, ce type en blanc... Bon Dieu, qu'il me fout les j'tons ! Avec ses yeux de constellation, il ne laisse pas le choix de l'heure du départ. Et je tremble à l'idée de traverser la rive... C'est si facile. C'est trop facile. Il suffit de larguer les amarres de la pensée et de t'embrasser. Ma chère pensée. Ma douce pensée. Mon identité profonde, accaparante, organisatrice ; ma belle carapace de coton... Renoncer à l'idée de contrôler le ressenti et laisser à quelqu'un la possibilité d'effleurer ma sensibilité. Ma bombe à retardement. Donner les clés et la carte du labyrinthe le plus simple du monde. Allez-y, c'est tout droit, vous pouvez y aller les yeux fermés. Les pièges étaient à l'extérieur. Le feu, les armes automatiques, les portes qui se referment et vous repoussent. Le cher complexe de défense ultra sophistiqué a été déconnecté avec succès. Voici la clé, la vraie. C'est une petite épingle, d'un portillon de jardin. C'est tout. On peut même passer par dessus, sans l'ouvrir. Comme le font les gosses qui veulent aller se gaver de framboise dans le potager sauvage.

J'écris. J'écris et je détruis. Compulsivement, oui Madame. Sauf pour elle. Elle a son cahier et son existence propre. Cela faisait bien quelques années qu'elle me tournait autour. Ces maudits personnages en quête d'auteur sont d'un têtu ! Pirandello en savait quelque chose... Pourtant, j'en ai repoussé des dizaines ! Des gueulards, des imbus, des intéressants, des bavards, des vantards, des brillants... Et puis, elle est apparut. Silencieuse. Elle s'asseyait le matin au bord de la fenêtre, le regard perdu et elle se racontait. Sans attendre quoi que ce soit. Ni écoute active, ni encre qui coule. Elle existait déjà par elle-même et les nuages comme auditoire lui suffisait. Elle n'est pas palpitante, sa vie. Il y en a eu des personnages tellement plus aventureux. C'est une rêveuse qui a dû se perdre. Elle a dû faire comme je le fais trop souvent : se perdre dans le magenta d'une fleur et se tromper de ruelle. Elle partait rêvasser je ne sais où pendant des mois et revenait s’asseoir à ma fenêtre, songeuse. S'invitant toujours à l'heure où je fais chauffer du thé. Elle est tellement plus douce que ces invités de whisky. Elle sonne. Comme une rime. Comme un poème. C'est un genre d'alexandrin, en prose. Les odeurs de thé fleurie doivent l'alimenter, je pense. Le Jasmin, la Menthe, le Tilleul... On y met des majuscules comme aux belles émotions. Je n'ai pas le droit de détruire, sur ce coup là. Ca ne m'appartient pas. Au bout de trois ans, elle s'est levée, m'a regardé et m'a dit, le plus simplement du monde : « On y va maintenant ? ». Et j'ai déballé ce cahier et ce stylo qui n'attendaient qu'elle. Et j'ai fait chauffer du thé. Et je l'ai écouté se perdre dans ses rêveries. J'oublie souvent d'écrire, je me perd dans ses pensées. Mais ce qui compte, ce n'est pas d'aller vite. C'est de reconnaître l'Existence du Beau.

Parfois, je me demande si c'est elle qui existe à travers moi ou moi qui existe pour elle. Et, ne nous leurrons pas, elle n'est qu'un personnage de roman. Mais, ne suis-je pas en train de prendre ma source de l'inspiration d'un Autre ? Qui me prouve ma réalité propre ? Vous pouvez appeler cela « trouble dissociatif ». Nous devons, dans ce cas, être une armée de peintres, d'écrivains et de musiciens à ne pas vouloir nous faire soigner. Qu'il est beau notre surréalisme ! Comme il nous fait découvrir des trésors d'âmes vagabondes ! Vous pouvez appeler cela « dissociation », si cela vous enchante. Mais sachez-le quand même : en vérité, ca se nomme Poésie, Madame...

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Commentaires
R
j'hésite "moi" à trouver les mots qui correspondent à mon ressenti ,en lisant cette prose: pleins d'émotions, de fierté d'avoir dans ma descendance une personne telle que toi ,l'existence serait triste si on était fait tous du même moule, la différence te rend unique!!!!!merci de couler sur le papier tes émotions, c'est un peu comme lorsque l'on regarde un bon film on fini par ce croire nous-même acteur ,la facilité que tu as de le faire ( une fois trouvé le bon moment!!)on voyage avec tes mots.
And So Forth...
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